– Un zizi coin coin, s’il vous plait.
– Très bien, je vous apporte ça
Jamais de ma vie, je n’aurais imaginé passer une commande aussi ridicule ni vivre ce que j’allais découvrir ce jour-là. Par contre, je dois bien avouer que, dès que j’ai vu sur la carte du bar, dans la rubrique boisson, ces trois mots « zizi coin coin », je savais que je venais de rattraper au vol mon inspiration (ce truc magique m’échappe dès que je la cherche, comme un papier important perdu dans le rangement trop minutieux de mon bureau). En effet, à mes heures perdues (c’est-à-dire quand je glande devant mon écran, vêtue d’un pyjama pilou, une tasse de thé froid à la main), je cultive mon syndrome de poétesse ratée qui s’essaye aux histoires de cul dégoulinantes de cyprine. Malheureusement mon inspiration est inconstante et baise plus avec les écrivains de gare (ou d’aéroport, elle n’est pas farouche) qu’avec moi.
Tandis que je raconte ma vie, le serveur revient avec une sorte de limonade au citron, servie dans un verre haut. Je pose ma bouche sur la paille et aspire le zizi coin coin avec élégance, afin de signifier à mon interlocuteur que je suis, sans modestie aucune, la meilleure suceuse du monde. En lui jetant un coup d’œil, je comprends que ma tentative reste sans échos (pourtant, l’homme assis en face de moi ne sait pas, lui, que je porte, en secret bien sûr, un pilou brodé par ma grand-mère, véritable tue désir). C’est alors qu’entre deux silences, l’homme me demande si je connais l’orgasme forcé. (Je suis obligée d’ouvrir cette nouvelle parenthèse pour faire part d’une interrogation existentielle. Pourquoi, dans ma vie sexuelle, il y a toujours un type pour me poser une question bourrée de jargon abscons ? T’es top ou bottom ? T’es échangiste ou mélangiste ? T’es champagne ou campagne ? ). Alors non je ne connais pas l’orgasme forcé, d’ailleurs comment peut-on forcer un orgasme, ça parait un peu con comme concept. Malgré le ton rebelle que j’emploie, l’homme ne se laisse pas démonter. Il veut savoir si j’ai envie d’essayer. Je réponds un petit oui gêné. Ce oui sera la cause d’un non convaincu (subtile figure de style qui annonce un con vaincu vers la fin de cette histoire).
Un signe du destin achève de me convaincre tout à fait. En sortant du bar, il me propose d’aller chez lui en voiture. Or, dans ma jeunesse, je fantasmais sur les 306 cabriolets vert (après vérification sur le net, je suis en mesure de préciser que c’était une série Rolland Garros, couleur vert « grand Chelem » métallisé. Comme me dirait mon pote, il n’y a que dans les romans américains qu’on précise le modèle et l’année des voitures. Mais tant pis). Et voilà qu’enfin, dans ma vie, je rencontre l’homme qui va réaliser le fantasme le plus fou de ma vie : voyager en décapotable verte ! (A propos de décapotable verte, j’ai bien une anecdote à base de capote verte, mais je ne voudrais pas perdre le lecteur dans les méandres de mes pensées lubriques). Si cette voiture n’est pas un signe du destin, je veux bien me faire fouetter, sur le champ, et nue ! J’accepte donc, toutes les proposions de l’homme. Il me conduit jusque chez lui, me fait monter à l’étage de sa maison. Jusqu’ici tout parait normal et ordinaire : une entrée, un salon, une cuisine, des chambres à coucher. Puis, il ouvre une porte qui mène au grenier, tout en précisant que c’est là-haut que ça se passe (on dirait la bande annonce d’un film connu à base de sexe, d’homme trop riche et de BDSM, mais je vous promets que tout ce que je raconte est totalement véridique). Je me laisse donc introduire dans ce grenier aménagé où les murs ont été repeints à la chaux blanche. Les poutres de la charpente sont restées apparentes. Aucune fioriture. Des anneaux sont disposés un peu partout sur le plancher, sur les murs et sur les poutres. Des fouets sont suspendus en toute simplicité. Une sorte de poteau trône au milieu de la pièce. Celui-ci est constitué d’un piquet qui va du sol au plafond, sur lequel sont accrochés deux bastings molletonnés, et parallèles au sol. Cette installation ressemble à une sorte de siège en hauteur dont le but essentiel est de maintenir les jambes de l’infortuné qui s’y risque. Dans cette pièce, se trouvent aussi des échelles, des fauteuils de cuir confortables, une table de massage et un coffre de rotin.
Je ne fais plus vraiment la maligne. Je n’ose imaginer à quoi peut servir tout cet attirail. Il me propose un verre de vin. Parmi ses bouteilles, je choisis un Vacqueyras (ceci est la preuve formelle que je ne suis pas une femme. En effet, c’est bien connu, que les vraies femmes aiment les vins blancs sucrés. De plus, je n’aime ni le champagne ni le coca : y’a des bulles dedans, et les bulles ça pique. Je suis douillette de la langue). Il s’assure à nouveau que j’accepte de tenter l’expérience de l’orgasme forcé. Il me donne quelques détails pour me rassurer. Puis, il me propose de mettre une cagoule de cuir, après m’avoir précisé que la précédente invitée l’avait refusé. Evidemment, bête comme un homme (il parait que les hommes tombent toujours dans le piège de «cap ou pas cap»), je dis encore oui. Avec un petit sourire, il me demande si je tiens absolument à garder mes vêtements. Je déshabille alors, sans que cela ne me gêne. Être nue devant un homme ne me procure aucune sensation particulière (désolée de casser le mythe en pleine histoire érotique, mais rien ne vous empêche de fantasmer sur ma nudité devant cet homme habillé d’un pantalon cargo noir, et sur ma fragilité et ma honte supposées).
L’homme me prend par la main et m’emmène jusqu’au poteau étrange (celui dont j’ai parlé plus haut). Il m’aide à m’installer. Je place la jambe droite un basting molletonné. Puis j’installe l’autre jambe gauche sur le bastaing jumeau de sorte que je me retrouve assise à cinquante (non pas cinquante nuances) centimes du sol, les jambes écartées et le dos contre un pilier vertical (je pourrais vous fournir une photo, mais je ne voudrais pas que ma maman me reconnaisse ainsi, elle risquerait de se demander ce qu’elle a raté dans son éducation, même si elle n’a pas besoin de moi pour se culpabiliser). Ce n’est pas la position la plus confortable que je connaisse. Pour vous donner un ordre d’idée, l’échelle de confort se situe entre la position gynéco sur une table d’auscultation vieille d’un demi-siècle (les hôpitaux n’ayant plus les moyens ma petite dame) et la position dans les toilettes à la turque. L’homme ouvre une ancienne sacoche de médecin et en sort de larges sangles de cuir avec lesquelles, il entreprend de me maintenir aux poteaux. Je me retrouve donc écartelée et attachée comme dans porno gratuit. Il pousse le vice à me lier les mains derrière le pilier avec des menottes de cuir. (C’est là que j’ai eu envie de lancer pour rire, comme le ferait un gosse à qui on vient d’enfiler sa combinaison de ski : « ah bah zut j’ai envie de faire pipi », juste pour voir la réaction du type. Le risque est qu’il amène un bassin et me propose de faire dedans. Donc, un conseil, dans ces cas-là : faire genre que tout est OK comme devant le vigile qui fouille mon sac à l’entrée des grands magasins. Foutu état d’urgence (pas urgence de faire pipi, hein)).
Pour résumer la situation, je suis assise, nue, les cuisses écartées, la chatte ouverte à tous vents, les seins écrabouillés par une grosse ceinture de cuir et les chevilles liées aux poteaux par des chaines. Je me sens très gênée à vrai dire. J’ai la vague sensation d’être chez le dentiste, la bouche grande ouverte en attendant de savoir quel crochet il va choisir pour torturer mes pauvres dents innocentes (Mon dentiste dit toujours, qu’il a choisi de faire ce métier car il peut faire mal à de belles femmes. Mais j’aime bien mon dentiste car il parle pendant l’acte : « voilà je pénètre profond, je tourne. Ah c’est plus profond que je ne pensais. Allez encore un peu, et je me retire ». Pour satisfaire votre curiosité, c’était une dévitalisation avec anesthésie locale). Enfin la sensation de trouble que je perçois sur ce poteau-siège est pire qu’une visite chez le dentiste. Je suis à la merci de cet homme. Il sort une cagoule :
– C’est le moment de vérité.
Depuis un moment, plus un son de sort de ma bouche. Je le laisse glisser cet objet de cuir sur mon visage. Je songe une seconde que cette cagoule a dû trainer sur d’autres visages (ce que me confirmera une copine qui dira y avoir laissé bave, larmes et morve. J’ai de drôles de copines, non ?). Il parait que la privation sensorielle (encore un gros mot) stimule les perceptions. Ce que je vois surtout, c’est qu’il fait noir là-dedans. Au début, quelques trais de lumière passent par les petits trous qui servent à respirer. Il me semble alors que je ne pourrais plus bouger d’un pouce (façon de parler car mes pouces sont encore mobiles, bien que je ne puisse les sucer). Puis, il sangle ma tête au poteau, resserrant encore l’étau. La seule douceur qui me reste est l’air frais qui parvient par les trous de la cagoule. Il fait vraiment tout noir. Je tente de calmer mes craintes, afin de ne pas laisser s’emballer mon cœur, et de garder une respiration calme. Je ne veux pas céder à l’angoisse.
C’est à ce moment précis du récit (allitération), que toutes les digressions précédentes prennent leur sens. L’homme attrape mon jouet préféré, une sorte d’aspirateur à clitoris (c’est mon précieux, ma péninsule, mon cap de plaisir). Jouet préféré, c’est vite dit car, après cette expérience, je n’en suis plus si sûre. J’entends le petit bruit caractéristique de l’objet et je sais que mon heure est proche. Il le pose sur ma chair émue (c’est bien ça «chair émue», ça fait cul mais littéraire). Je suis captive et sans défense. Dès que la machine se met en branle, je me trouve projeté dans les sensations connues de mes caresses solitaires. Mais, là mes mains sont attachées et je n’ai aucune maitrise de la situation. Tel un chien de l’expérience de Pavlov, les images de mes branlages solitaires défilent, rêves confus et emmêlés. Je bave de la chatte. J’oublie l’homme qui doit être assis devant moi. Je me vois nue et quatre pattes devant des invités. Ou, je suis attachée à une chaise et des femmes ont toute liberté d’abuser de moi. De temps en temps, je reviens à la réalité, au noir, au manque d’air, au bruit de la machine et je jouis dans un petit gémissement. D’ordinaire, quand j’ai joui tout s’arrête et une petite pause s’impose avant de reprendre les hostilités. Mais point de répit, l’homme me marque à la culotte (que je n’ai plus depuis bien longtemps). Il déplace un peu le jouet sur autre partie de mes lèvres, et je tremble à nouveau. Je gémis de plus belle, mais je suis encore en terrain connu. Soudain, le clitoris se fait agréable et désagréable en même temps. Alors, je voyage comme je n’ai jamais voyagé. Je me vois assise, nue sur une selle de cheval au milieu du désert. Je me vois attachée sur des rails avec un train qui me passe dessus et repasse encore. Je gueule de plus belle. Mon corps attaché de très près se cabre. Jument indomptée. Je me croyais immobilisée et je découvre qu’une force irrésistible me soulève malgré les sangles. Les orgasmes se succèdent mais ne ressemblent pas. Comme si j’étais devenue une autre, je m’entends demander pitié. Il me répond que les choses commencent à peine à devenir amusantes. Je dis que je vais faire pipi qu’il faut me délivrer. Il rit. Je hurle, je braie, je pleurniche rien n’y fait, je jouis encore. Bordel, je voudrais qu’il me prenne pour en finir enfin ! Je voudrais une queue, grosse et solide, un poteau pour me transpercer (il se peut que j’ai gueulé ça tout fort, mais c’est comme une cuite, on ne sait plus trop bien ce qui se passe). Je ne suis qu’un sexe brulant, il fait noir. Je sens que les sangles meurtrissent les cuisses. Je sais pourtant qu’il ne faudrait pas que je bouge car chaque geste augmente la douleur. Mais je suis devenue des orgasmes sans fin qui modifient mon état de conscience. Je laisse des traces d’ADN supplémentaires dans la cagoule de cuir. Je suis son jouet. Pitié, encore pitié, je ne peux plus de jouir. Je veux arrêter de jouir. Je le crie à travers la cagoule noire
– Tu ne le regretteras pas ?
– Noooooon !
Et voilà que j‘ai hurlé le fameux non (celui que j’avais annoncé). Me voilà con vaincu ( le jeu de mot est toujours aussi pagayé). Quand, il enlève la cagoule, je ne suis plus de ce monde. Mes yeux tournent en tous sens. Peut-être ai-je enfin compris ce que veut dire «petite mort». Il me propose à boire. Il penche un verre contre mes lèvres et l’eau fraiche coule sur mes seins. Au fur et à mesure qu’il me défait les sangles, le sang afflue à nouveau dans le corps provoquant des picotements terribles. Dire que je refuse coca et champagne parce que ça pique (l’humour revient, et ma tête aussi) ! Quand il m’aide à descendre sur terre, il dit d’un ton malicieux :
– Bienvenue sur le plancher des vaches
Je n’ai même plus la force de répliquer que la peau de vache c’est lui. Je titube jusqu’à un fauteuil, soutenue par l’homme à la folie douce. Il s’assoit près de moi. Socrate par la bouche de Platon (il n’est nullement question d’orgie grecque dans mon propos) avait bien raison : plaisir et douleur sont liées (oserais-je dire sanglée ?) entre elles. Je me replie dans les bras de l’homme, embryon perdu. Après avoir gémi et hurlé (la pauvre voisine doit détester l’homme, à moins qu’elle n’en rêve, la main entre les cuisses) je reprends peu à peu mes esprits, lové contre son torse :
– Dis tu prends toute la place dans le fauteuil, je ne peux même pas y poser les deux fesses.
– Tu as raison. Alors voilà ce qu’on va faire : on va diner et au retour je te fouette.
(Une encore une nouvelle qui ne se trouvera pas dans les rubriques de la collection Osez. Je vous la livre. Faites-en bon usage, et même quelques critiques constructives si le cœur vous en dit)
***
Bonus :
Chère Élise,
J’ai un trou dedans mon seau
Chère Élise, chère Élise
J’ai un trou dedans mon seau
Mais bouchez-le, cher Eugène
Cher Eugène mais bouchez-le
Avec quoi vais-je le boucher?
Chère Élise, chère Élise
Avec quoi vais-je le boucher?
Avec de la paille, cher Eugène
Cher Eugène, avec de la paille
Mais la paille n’est pas coupée…
Mais coupez-la…
Avec quoi vais-je la couper?…
Avec la faux…
Mais la faux n’est pas aiguisée…
Aiguisez-la…
Avec quoi vais-je l’aiguiser?
Avec la pierre…
Mais la pierre n’est pas mouillée…
Mais mouillez-la…
Avec quoi vais-je la mouiller?…
Avec de l’eau…
Mais l’eau n’est pas puisée…
Mais puisez-la…
Avec quoi vais-je la puiser?
Avec un seau…
J’ai un trou dedans mon seau…
***
Illustration trouvée ici
Le Zizi coin coin ..une sorte de « limonade » ?
Naan mais dis donc ! Si c’est pas malheureux de parler du Zizi coin coin typiquement belgérien de cette manière !
Certainement un de ces quatre au Patrimoine mondial de l’Unesco ! (C’est juste qu’on ne sait pas quand ). Un peu de respect sivouplé.
(Sinon, c’est le genre de nouvelle hop youpie tralala que je lis avec plaisir ! )
vas-y qualifie ce breuvage… comment le décrirais-tu donc ?
Le yop youpi ça rapport avec le yaourt ? Vous avez du Yop en Belgérie ?
Le Zizi coin coin est un cocktail à base de cointreau (d’où coin coin.. zizi, c’est pour citron. .mais là je cherche l’astuce :S ), de jus de citron, de sucre de canne et d’eau. 12 % d’alcool, au bout de 3 zizi coin coin, ça n’a pas du tout l’effet limonade …ou on n’a pas la même limonade en France :S
Non , je n’ai plus vu de Yop depuis longtemps mais un a des Actimel à la fraise.
Hiiiii merci.
Ben de l’eau et du sucre, ce n’est pas de la limonade ? #laChieuse
Comme le pastis, eau et un chouia d’anis
Toutafé
Un jour Stanley Lubrique a sorti un film, « orgasme mécanique ».
Tres mécanique.
Avec des oranges alcoolisées dedans ?
Hummm un délice a lire…avec des passages entre parentheses drôle et savoureux!
Au plaisir de lire pr n faire partager ses moments coquins :)
J’espère que revenir sur le « plancher des vaches » ne t’a pas trop déçu.
A très vite.
Fefal
Hi merci !! T’sais c’est une histoire et rien ne garantit que les vaches étaient présentes :D
(Vous êtes une poêle avec un cheveux sur la langue ?)
J’en avais oublié le zizi coin coin à la fin de l’histoire!
Alcoolzheimer quand tu nous tiens! ;-)
Tu crois que tu serais capable de te soigner ? #défi