Le lit est blanc et large. Mon corps est fou sous vos doigts. Cela doit bien faire une heure que je suis en transe. Vous savez me faire tremper les draps. Je m’ennuie
Je m’ennuie de sentiments. Je baise avec vous. Et, je ne vous aime pas. Pas que je vous déteste, ni même que vous déplaisez. Juste je ne ressens rien pour vous. Rien du tout. J’ai aimé les moments partagés, pourtant. Je mouille et je suis lasse.
Le dernier déjeuner était une douce pluie sur les pavés brillants. Des gouttes habillaient les tables de la terrasse. Une jolie maison aux volets bleus ruisselait. Vous parliez de vos innombrables paires de chaussures. J’aime les chaussures masculines. J’y porte une dévotion certaine. Et je m’ennuyais ferme.
Mon corps est dingue sous vos doigts. J’en ai les larmes aux yeux de plaisirs. Mon corps tremble. Mécanique hélas.
Dans l’entrée déjà, je vous avais affolé. J’étais dévorante et possessive. Possessive de plaisir. Pourtant, je ne vous ai point embrassé. Je fuyais vos lèvres en suçant vos lobes. J’ai gouté votre peau, mordillé vos épaules, affriolé vos tétons, attaqué de la paume votre sexe habillé, caressé avec instance vos cuisses et votre périnée. J’ai défait votre ceinture d’une main, j’ai libéré votre courte bandaison. J’ai sucé avec délices et possession, accrochée à votre boxer que je ne voulais pas ôter. Vous deveniez fou dans l’entrée.
De chaleur j’ai ôté mon pull. Vous libérez mes seins et mon sexe. Vous me retournez et me prenez, là, dans l’entrée. Vous me trouviez belle, ni nue ni habillée. Mes ongles rouges contrastaient avec le gris du mur, agrippée à l’angle de la cloison. Vous m’avez prise. C’était bon.
La télé déverse la Banquière. Je n’aime pas la télé pendant la baise. La Banquière est belle, l’ambiance rétro, la musique en accord mineur. Rien n’est surfait. Le scénario simple et efficace. Sans sur-jeu. La lumière y est naturelle. La Banquière n’est pas refaite. Son sourire est divin. Ses yeux à tomber. Les cheveux sont longs et en vaguelette. Les costumes cravatés. Les sourcils en arc de cercle. Démodé. Beau.
Sur lit, vous m’affamiez. Vous m’affoliez en longues jouissances intarissables. Un homme prend le train et je monte dans le wagon vert des folies passagères. Vous débandiez souvent. Je retourne souvent vers vous, d’une main branlante ou d’une bouche affamée. Je suis un corps sur un lit que je défais, effrénée. Mon soutien-gorge m’encercle toujours. Dans ma tête, ils défilent par flaches incontrôlés : ma copine, portrait craché de la Banquière, dont le mariage est une ruine, l’amant d’une fois sans vernis à ongle, la Louve mythique nourricière de Rome, l’amant qui s’éloigne.
Je m’ennuie. Sur le dos, trempée, je vois apparaitre une cornette. Et la Banquière quémande une table. Mon corps n’est qu’un animal désert. Il mêle ses râles aux voix lointaines des années 80. Vous peinez, vous mordilliez, vous parliez peu. Mon corps est fou sous vos doigts.
Et la banquière est libre. Elle parle, elle triomphe. Je l’entends en écho. Puis elle s’écroule, morte. Un coup au cœur.
Vous n’avez pas joui cette fois-ci. Trop excité. Trop fou. Que sais-je ? Je lit une nuance si triste dans vos yeux clairs. J’en suis confondue. Quelque chose est mort entre nous. Avec elle.
C’est aussi triste que la banquière était belle…
Les fins sont tristes. Et si toutes les banquières pouvaient être belles…
« Ci gît, au milieu du plaisir sans borne, l’amour défait »
Triste fin
Bel épitaphe
Ils est des amantes (et des amants) dont on se lasse sans même savoir pourquoi, sans possibilité de retrouver cette fugace magie qui nous a lié un instant, au moins nous laissent ils de beaux souvenirs…
Bienvenue ici Emmanuel :)
Mais cette magie y était et j’aime l’écrire comme pour la conserver dans mes philtres
C’est assez étrange, comme une omelette norvégienne, ce récit. On ne sait si c’est chaud ou si c’est glacé…
L’ omelette norvégienne, c’est un peu écœurant, non ?
Moi j’aime bien les sucreries ;)
Cela gâte les dents
Je le trouve bien triste ce joli texte.
Oui, la tristesse fait partie de la vie aussi
Certes, mais je te préfère rieuse, espiègle… Mais tu as raison, la tristesse fait partie de chacun de nous, il ne faut juste pas lui laisser trop de place
Amères jouissances que procure le sexe dépourvu d’amour. Il me donne froid votre texte, Marie Tro. Il est beau, poignant, mais il me donne froid. Anaïs Nin avait tout compris : « Seul le battement à l »unisson du ventre et du coeur peut créer l’extase. »
L’extase, la jouissance suprême qui nait du lâcher-prise et d’une bonne dose d’amour et de sexe (chez moi)
Seul le battement a l’unisson du ventre et du cœur?
C’est le stade suprême en effet.
Mais quand déjà le ventre parle, et la douce tendresse, ne soyons pas dogmatiques, bien du plaisir vient…
Je suis d’accord Paul A, on ne va pas cracher sur des plaisirs peut-être moins nourrissants. Gardons-nous de devenir des ayatollahs de la passion amoureuse. Et puis quoi, on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise. Parfois, pas par miracle mais avec le temps, il est des plaisirs initialement concentrés sous la ceinture qui finissent par nous toucher en plein coeur. Avec le temps.
Je découvre un très beau texte, ou deux désirs se croisent sans vraiment se rencontrer. Comme deux trains de folies passagères ?
Comme des trains qui se sont croisés…