La banquière 19


Le lit est blanc et large. Mon corps est fou sous vos doigts. Cela doit bien faire une heure que je suis en transe. Vous savez me faire tremper les draps. Je m’ennuie

Je m’ennuie de sentiments. Je baise avec vous. Et, je ne vous aime pas. Pas que je vous déteste, ni même que vous déplaisez. Juste je ne ressens rien pour vous. Rien du tout. J’ai aimé les moments partagés, pourtant. Je mouille et je suis lasse.

Le dernier déjeuner était une douce pluie sur les pavés brillants. Des gouttes habillaient les tables de la terrasse. Une jolie maison aux volets bleus ruisselait. Vous parliez de vos innombrables paires de chaussures. J’aime les chaussures masculines. J’y porte une dévotion certaine. Et je m’ennuyais ferme.

Mon corps est dingue sous vos doigts. J’en ai les larmes aux yeux de plaisirs. Mon corps tremble. Mécanique hélas.

Dans l’entrée déjà, je vous avais affolé. J’étais dévorante et possessive. Possessive de plaisir.  Pourtant, je ne vous ai point embrassé. Je fuyais vos lèvres en suçant vos lobes. J’ai gouté votre peau, mordillé vos épaules, affriolé vos tétons, attaqué de la paume votre sexe habillé, caressé avec instance vos cuisses et votre périnée. J’ai défait votre ceinture d’une main, j’ai libéré votre courte bandaison. J’ai sucé avec délices et possession, accrochée à votre boxer que je ne voulais pas ôter. Vous deveniez fou dans l’entrée.

De chaleur j’ai ôté mon pull. Vous libérez mes seins et mon sexe. Vous me retournez et me prenez, là, dans l’entrée. Vous me trouviez belle, ni nue ni habillée. Mes ongles rouges contrastaient avec le gris du mur, agrippée à l’angle de la cloison. Vous m’avez prise. C’était bon.

La télé déverse la Banquière. Je n’aime pas la télé pendant la baise. La Banquière est belle, l’ambiance rétro, la musique en accord mineur. Rien n’est surfait. Le scénario simple et efficace. Sans sur-jeu. La lumière y est naturelle. La Banquière n’est pas refaite. Son sourire est divin. Ses yeux à tomber. Les cheveux sont longs et en vaguelette. Les costumes cravatés. Les sourcils en arc de cercle. Démodé. Beau.

Sur lit, vous m’affamiez. Vous m’affoliez en longues jouissances intarissables. Un homme prend le train et je monte dans le wagon vert des folies passagères. Vous débandiez souvent. Je retourne souvent vers vous, d’une main branlante ou d’une bouche affamée. Je suis un corps sur un lit que je défais, effrénée. Mon soutien-gorge m’encercle toujours. Dans ma tête, ils défilent par flaches incontrôlés : ma copine, portrait craché de la Banquière, dont le mariage est une ruine, l’amant d’une fois sans vernis à ongle, la Louve mythique nourricière de Rome, l’amant qui s’éloigne.

Je m’ennuie. Sur le dos, trempée, je vois apparaitre une cornette. Et la Banquière quémande une table. Mon corps n’est qu’un animal désert. Il mêle ses râles aux voix lointaines des années 80. Vous peinez, vous mordilliez, vous parliez peu. Mon corps est fou sous vos doigts.

Et la banquière est libre. Elle parle, elle triomphe. Je l’entends en écho. Puis elle s’écroule, morte. Un coup au cœur.

Vous n’avez pas joui cette fois-ci. Trop excité. Trop fou. Que sais-je ? Je lit une nuance si triste dans vos yeux clairs. J’en suis confondue. Quelque chose est mort entre nous. Avec elle.


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