Jouir sans dire 7



 

 

Je voulais vous dire monsieur, sous votre peau votre cœur, à votre ventre le bonheur, sous vos doigts ma chatte au réveil, sous vos mains mes fesses gigotent, j’ai demandé. Je voulais vous dire le sourire à mes lèvres, mes yeux ébahis. La fenêtre ouverte et l’ouvrier de l’autre côté de la terrasse. Mais les mots ne peuvent tout dire.

Je voudrais vous dire le port, les drisses qui claquent au vent, le vent salé, la table et mes jambes entre les vôtres. Le poisson plaisir et la carte des vins qui laisse à désirer, le désir entre mes cuisses loin des mouettes. Je voudrais vous dire l’écoute, toutes écoutilles ouvertes, plus rien n’existe que votre monde. J’imagine l’inconnu, le travail et le plaisir. Les soucis aussi. Je voudrais dire que vous avez les réponses à vos questions, dans vos mots habitent les issues, entre vos cuisses vos désirs. Au creux de mon cou un baiser avant le lit au bout des rues.
 *

Je voulais vous dire l’abandon sur l’eau, l’abandon sous vos doigts sous ma nuque. Je flotte nue, les seins au mordant du soleil, les pieds sur des tubes en mousse, l’eau entre les plis des lèvres, l’eau caresse d’infimes douceurs, et vos doigts, monsieur, sous ma nuque. Dériver, votre tendresse à portée de sens. Sous mes paupières closes l’ombre de votre visage, votre sollicitude protection solaire, l’eau berçante, l’eau de la matrice. Contre la peau de votre ventre, ma tête. Maman berce moi encore. Clapotis infinis, bruits de coton souple, deux pointes de sein au-dessus des eaux, les vagues du ventre meurtri sous l’eau de mère. Planer entre deux eaux. Vous assurez le monde et je suis aux éléments, vent suave,  chaleur méridienne, eau exquise, terre sous-marine. Sous ma nuque détendue, vos doigts massent. Ma chatte libre, votre sexe raide, éternel instant. Infinie confiance.
*

Je voudrais vous dire la lumière douce qui court sur les façades, les parfums de sel et de poissons, les vraies olives vertes à la terrasse. Je voudrais vous dire la ville enfantine, la ville absente qui vit dans les souvenirs, le petit garçon à l’écluse, les scaphandriers et les dupondt. Je voudrais vous dire l’Italie entre deux poissons et les jets-ski à la queue-leu-leu des petits garçons devenus riches, entre les façades les collines boisées, entre mes bras mes seins sous une veste trop large.
Et la mer bleue, la plage et les maillots, la banale plage, les gens, les autres langues et les seins nus. Pas les miens. Nager, flotter, sourire, nos corps collés de désirs éphémères, à l’eau se jeter. Passer de la crème solaire, buller sous un parasol, bruler sur le sable. Au loin l’horizon. Et soudain. Comment puis-je dire votre main ? Sur le matelas nos corps doux, votre main caressante, votre main polie et pudique en public, votre main partout où c’est permis si près des gens. Votre corps si près du mien. Il ne se passe rien, la tendresse surpasse, la force vive dépasse, abandonnée sur ce matelas, les larmes au bord des yeux, votre main pénètre mon âme. Comment l’écrire ?

*
Je voudrais vous dire les feuilles des arbres, le soleil cru en intermittence entre mes paupières.

Je voulais vous dire merci, vous sentiez son désir, trop d’inconnues pour moi encore. Là sur ce dolmen imaginaire, sur ce lit rond improbable, au fond du petit bois, vit une élégante reine grecque, statue bronzée et son homme persévérant. Vous m’accompagnez à l’autre elle. Ses gémissements arrachés, elle est un chef d’œuvre habité de vie répétitive et franche, deux sexes emboitées en perfection, des jambes à l’équerre, des nus académiques. Nous les regardions de loin, assis sur un banc. Je me suis assise près d’elle. Apprivoiser sa bulle, entrer dans son intimité en douceur, de sa main elle fait glisser mon paréo, ma main s’invite à sa vulve nue.

Je voudrais vous dire l’indicible jouissance qui laisse engourdie de doigts femelles, allongée sous les arbres, alanguie sous la jouissance, les lames aux yeux, j’offre aux cieux l’encens des amours volatils. Le vent lisse à même la peau, le vent sur les monts, l’air caressant, la chaleur du midi, sa chatte lisse et statique, les ombres mouvantes à travers mes paupières, exposées sur un autel de sous-bois, nous étions quatre. Vouée aux sensualités. Je voudrais dire vos doigts à mon anus prétendant, vos doigts près de ses doigts féminins, l’esprit abandonné aux raies du soleil. Je voulais vous dire mes gémissements dans les sous-bois, la jouissance sans un mot échangé, son baiser féminin qui conclut ses doigts habiles. Et, derrière nous, la croupe fleurie gémissait, amazone de ses sens, vestale perdue sous des tentures, à son homme accrochée. Je voudrais dire le bonheur. Il est intérieur.
Sur ses fesses rondes, je dépose un baiser d’au-revoir. A votre bras que je frémis.

 Nathalie Picoulet, maître pastelliste

Si tu as envie d'écrire, j'aurais plaisir à te lire

7 commentaires sur “Jouir sans dire

  • Anne O Nîmes

    Vos mots disent l’indicible et les joies étonnées en des pastels très doux et des fulgurances incroyables…

    Vos mots sont parfois comme un coup de pinceau discret, parfois comme un scalpel précis, et le tout dit mieux que cent photos ou cent pages les heures qui valent des jours…

    Ils sont heureux sans aucun doute ceux qui vous ont offert leur bras comme au créateur la muse, à l’amante l’amant, pour traverse en victorieux saisis les abîmes insondables du plaisir et de sa capture joyeuse.

    Et nous vous lisons, infiniment sidérés…

  • Lisbeth

    Je voulais vous dire Madame combien vos mots me troublent (oui je te vouvoies aujourd’hui), et votre prose lisant, ma plume j’ai pris (la plume étant plus discrète à prendre au boulot que le pied)… une modeste bafouille à lire sans doute prochainement sur mon blog ;)