Gorge 1


Comment peut-il y avoir autant de douceur dans ses yeux là ? Comment peut-il y avoir autant de batailles entre deux peaux ? Mes cuisses enserrent son cou, fort aussi fort que la nature me l’accorde, aussi fort que le désir me l’ordonne. Un petit animal me dévore le cou, me mord la plante, je couine petit animal prise au jeu. Dans le métro, sa main contre mon dos  me fait frissonner du souvenir de ses lèvres. Ma gorge se mouille. Les vagues des rails me ramènent à son corps, irrésistibles secousses.

La langue sur la pointe, je tourne et aspire. La peau se tend, grandit dans ma gorge. Va, viens, haut bas, la simplicité du mouvement. Presque, on y est presque. Mais je suspends le vol, tourner à nouveau, de la hampe vers le ciel. Les pauses sont importantes, frustrantes, essentielles. J’y retourne à pleine bouche. Petit soupir. Il gémit sucré et sans citron. Il va venir, prévient-il. Quelques gouttes d’aurore épaisses et juteuses, quelques ors purs dégoulinent de mes lèvres. De jolies taches blanches se perdent entre les poils noirs et gris. C’est beau.

Je ne voyais qu’un seul œil. Je ne savais pas ce qu’il fallait y lire. Les yeux sont le reflet de l’âme dit-on. Était-ce une lueur de nostalgie des heures collées ? Était-ce les lames du monde qui nous ramenaient l’un contre l’autre ? Était-ce la foule qui déjà nous séparait ?

Je ne voyais qu’un seul œil, repu. Il posait des questions invisibles, il cherchait à percer les secrets de la vie. Les draps étaient blancs, une auréole mouillée trônait. Elle était la preuve que la chambre bleue n’était pas une illusion. Les yeux ne devraient que jouir.

On accède à l’entrée des artistes ingénieux avec une petite carte blanche. Ils ont de l’or dans les mains, ces artistes en bleu de travail. J’ai admiré des marches sur mesure, les ressorts indociles, les grilles à la mesure de l’évènement, les pistons jaunes et l’eau qui goutte. Même les joints sont en cuir. J’ai grimpé au septième ciel, juste sous les nuages. La lumière y était douce.

C’est l’entrée des appartements, là où vivent les mômes immigrés, les cours intérieurs d’antan et les souvenirs qui savent d’où ils viennent. C’est l’entrée de mon appartement, mouillée et savoureuse. Ce sont mes cuisses qui combattent pour ne pas rendre les armes. Sa main enserre ma gorge, je plante mes yeux. Mes cuisses cuisent à feu doux.

Mords-moi encore. Partout. Je vais hululer

***

Illustration : Hope Gangloff


Si tu as envie d'écrire, j'aurais plaisir à te lire

Commentaire sur “Gorge