Éloge de la solitude 1


Un oiseau s’envole, le vent frais traverse ma peau après des jours moites et humides où l’air manquait. Sur un banc vert, je suis assise avec moi-même, sans un lac pour y jouer à Narcisse. Le parc danse sous la brise, les feuilles se racontent le bonheur. Rien à faire tel est l’instant. Ce n’est pas un projet, ni un avenir, ni un idéal, ni une mission. Ne rien faire. Être.

Un couple passe. Ils courent, téléphone en main pour calculer leur temps et mesurer leur performance. Une jambe sur le banc, la tête dans le vent, je ne bouge pas d’un pouce. Cette solitude choisie, celle que l’ont peut rompre facilement car des enfants nous attendent quelque part, car le travail demandera son jeu social, car des amis sont au bout du fil, celle-là donc est un luxe. Je suis assise dans l’instant, feuilles vertes en toiture.

Être seul.e, est-ce tromper ? Quand nous sommes en couple, vouloir être seul.e est souvent vécu par l’autre comme un rejet. Quand on fait partie d’un groupe, vouloir être seul.e est une trahison des règles du jeu acquises dès l’école. Il faut se socialiser, faire partie du groupe en se conformant à ses normes et ses règles. Il faut être corporate. Il faut être membre actif de votre groupe de pétanque/sport/groupe de travail/équipe. Savoir travailler en équipe, le summum du savoir-être. Vouloir être seul.e. Révolution blanche.

Nue sur un lit, je lis à la bise qui franchit le velux. L’esprit évadé, il fait bon sur mes draps beige de solitude. Personne n’attend que je lui rapporte un croissant ou un bol de lait. Même pas un chat. La solitude est la liberté de ne pas avoir à rendre compte  de l’heure à laquelle on franchira la porte de chez soi, du travail, du client ou des champs. Ne pas rendre compte de la vitesse à laquelle on roule, du nombre de pas effectués, des heures éveillées ou endormies. Prendre la douche la porte ouverte. Dormir sans partager une couette. Poser ses pieds sur les murs. Ne pas s’habiller pour vaquer dans son appartement. Liberté de rien faire, de rêver, de se masturber ou de respirer. Sous la brise, la clef des champs sourit.

Les écorces tombées crissent sous mes pas. Seule, je peux aller où bon me semble. Seule, je peux écouter le silence, ne pas faire la conversation, et parler aux brins d’herbes jaunis. A présent, je vous laisse à votre solitude heureuse, et je vais m’habiller pour rejoindre le jardin secret ami où m’y attend du cassis trop mûr et trop sucré.

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Illustration : Idalia Candelas


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Commentaire sur “Éloge de la solitude

  • Gil Reve

    Ca fait du bien de se retrouver seul(e) de temps en temps,
    coupé(e) du reste du monde, comme si on rechargeait nos batteries.
    Et c’est pour mieux se retrouver par la suite,
    à, une SEULE condition, que la solitude ne soit pas éternelle.