Un critérium à la main, j’ai effacé les flèches sur mon agenda. J’ai fini de vider la valise, trace de mon précédent transport. Je l’ai rangé sous l’étagère. Je regarde ce matin, les bijoux que je voulais mettre. Ils resteront dans leur boîte chinoise, laquée de rouge et de voyage. Dans un mouchoir, j’ai recueilli les larmes du soir, et ce matin je les ai secouées sous la pluie fine. Dans la salle d’armes, j’ai trié mes espoirs et la lune s’est enfuit aussi.
J’ai mis la musique à fond. Devant toi, je me suis plantée, j’ai relevé un peu ma jupe droite sage. Elle est passé de genoux à cuisses. Il me fallait de la liberté pour me mouvoir. La première fois que j’ai appris le déhanché, c’était dans une petite chambre sous les toits partagée avec deux autres filles, petite comme une cellule de prison, grande de nos illusions. Cette année-là, mes chaussures sont parties au bal sans moi. C’était des chaussures à bout carré. C’était la mode.
La musique pénètre mes pores, devant toi je danse, je bouge les hanches et ma jupe remonte. J’ai les mis talons que j’aurais pris pour toi. C’était la première fois sur une piste de danse, tu étais inconnu, je m’approchais, j’écartais mes jambes pour que tu y glisses ta cuisse. Tu as posé tes mains sur mes hanches pour accentuer mes mouvements. Et toi, toi tu regardais.
J’ai mangé tout le chocolat. J’ai dansé devant le miroir à biseaux, doré comme un château de cœur. J’ai dansé, pour eux là-bas, les autres inconnus de l’autre côté de la glace. Seule sans toi. J’ai enlevé mon pull noir ras du cou. J’ai dansé encore, mes hanches blanches cachées sous la toile beige. J’ai tout démonté le bahut. Je préférerais te démonter, mais tu n’es pas là. J’ai soulevé mon t-shirt juste pour montrer mes seins sous la dentelle blanche, j’ai répondu aux diables en dessin. J’ai répondu à leurs messages. Mais tu n’es pas là.
Derrière la baie-vitrée, je m’habillais nue comme le bonheur. Toi tu regardais, toi du dedans et toi du dehors. On fera l’amour encore après la nuit blanche. J’ai dormi dans ton lit qui n’était ni à toi ni à moi. J’ai dansé sur la piste aux paillettes, tu m’attendais gentiment assis à mater aussi les naïades aux hanches qui sonnent. Je t’ai regardé danser, tout habillé avec la serveuse du bar. Mais tu n’es plus là.
J’ai sauté partout. Mes bras en transe, tu m’aurais vu une folle de danse sans piste. Mes cuisses en mambo, tourne le salto. J’ai sauté dans la cuisine sur le carrelage blanc. J’ai fait le tour du tapis, même qu’il y a une table dessus. J’ai dansé sans aucun sens, comme jamais je ne danserai devant personne. Défoulée de toi.
A la baie-vitrée, je me suis collée. J’ai dansé encore. Ma respiration se faisait buée opaque, comme quand tu m’avais attachée aux clous de chaque côté. Mais tu n’es pas là. Mes tétons sous le coton beige, sous la dentelle blanche, contre la vitre écrasé, se tendent. Je glisse mon corps, je colle mes poils sous le coton beige, sous la culotte blanche sur la baie trop fraiche. Je danse collée, et je vois ma chatte chasser près de la haie. Elle ne sait pas, elle, les affres de l’absence. Elle a faim, c’est tout. Moi j’ai besoin de toi.
***
Une bande son se cache dans ce texte, sauras-tu la retrouver ?
Dansons, fermons les yeux, que l’ivresse douce monte dans nos veines.
Dansons debout, déjà… Joue contre joue.
Après viendra la contredanse. Tout contre.