L’enfante arrive vers moi, du fond du jardin. Neufs violettes, c’est le cadeau qu’elle m’offre. Je n’ai jamais aimée dire «mon» enfant en parlant d’elle. Elle ne m’appartient pas. Elle est une fille que la nature m’a confiée sans vraiment me demander mon avis. Je la regarde s’avancer, pleine de vie, avec son printemps au bout des doigts. Du plus profond de mon cœur, montent des larmes que je parviens à maintenir au coin de l’œil. Je revêts mon sourire le plus assuré, puisé dans le théâtre des parents. Il me faut accueillir son destin qui bourgeonne.
Un clignement de paupières, et j’entends l’orage qui ondule dans la plaine, il y a sept sans déjà. Dans ce grand lit, drapé de gris doux, ma peau est collée à celle de l’homme. La chambre louée est richement décorée. L’orage roule sans fin comme si jamais nos corps ne cesseraient de s’aimer. Il fait moite sur l’oreiller, mon chant exulte et, je crois que, à cet instant, l’enfante a fait son nid.
Bientôt nos chemins vont se quitter. Je n’ai pas encore trouvé les mots pour le lui dire. Je voudrais la protéger. Je désirais que jamais elle ne souffre des départs, des douleurs et des maux des corps. Je cherche le bon mot. Il n’arrive pas. Je veux lui offrir la sérénité et toutes les paroles prononcées, qu’elles soient extraites des manuels ou du fond de mon cœur, briseront la quiétude de sa vie. J’aimerais qu’elle fut un cygne aux plumes protectrices sur lesquelles glisse l’émoi.
La vie m’a appris que les craquelures permettent à l’âme de s’étoffer, un peu comme lorsqu’on coupe aux bébés leurs cheveux blonds pour qu’ils épaississent. Mais moi, je n’ai jamais eu le courage de couper les boucles. J’ai toujours préférer laisser le temps se faire. L’enfante ne savait pas que ses anglaises ravissaient les yeux des grandes personnes. Mais, elle savait mettre à profit l’hébétude des anciens pour adoucir ses doléances enfantines. Chaque fois, ma grand-mère lui donnait des bonbons à la violette, c’était un refuge qu’elle offrait à l’enfante. Mais ma bonbonnière héritée est cassée. Et vide. Alors, je lui tends la main.
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Photo : Dame Ambre
Participation à l’atelier n°3
Contrainte : A partir de cette photo, toute personne qui le souhaite peut écrire un texte, trois mots, son histoire.
Challenge n°2 (facultatif) : Insérez dans votre texte la phrase « C’était ce refuge qu’elle offrait » .
Écrire : vous êtes libre, dans la limite où votre écrit n’est pas pornographique, raciste, haineux.
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Ma vieille tante vient de mourrir. Je l’aimais. Ses enfants assez peu, ses petits enfants beaucoup.
Dans son petit palais en ville elle les accueillait pour jouer en son jardin bruissant de roses et de rires.
Elle n’est plus.
Un des ses grands petits enfants a demandé déjà sa part d’héritage. La seule qui compte pour lui :
C’est une petite boîte dont, adulte, je ne connaissais pas l’existence, mais tous les petits, eux, la connaissent. La petite boîte un peu dépeinte et cabossée où elle gardait les violettes au sucre. Était-ce des violettes de Toulouse? une spécialité du Nord? Je ne saurais jamais. Seuls les enfants qui venaient jouer chez elle si souvent en ont pour toujours gardé le goût à la bouche…