Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien 4


Certains romans arrivent dans notre vie au moment opportun, comme s’ils venaient nous dire ce que nous pressentons.  Deux livres aux couvertures mates et roses se sont engouffrés entre mes doigts ces derniers jours. L’un est un cadeau, l’autre est une découverte spontanée.

Le premier est un livre de Frédéric Lenoir. Je ne m’attarderai pas sur cet objet. Le développement personnel sous forme de morale déguisée en roman n’est pas ma came. Je n’aime qu’on me dise ce que je dois penser même sous la forme de contes ancestraux et de syncrétisme religieux. Fin du game.

Le deuxième est arrivé dans mon sac suite à une grosse déception. J’étais venue acheter le recueil d’aquarelles de  Yannick Corboz. Il avait été vendu ! Un peu perdue, l’objet de mes désirs ayant disparu, je me mis à errer entre les tables et les étagères, en quête d’un nouvel amour. J’ai parcouru les rayonnages sans demander conseil. Il me fallait tester la capacité à me faire confiance. D’une bande dessinée à l’autre, je feuillette des nouveautés pré-machées aux dessins standardisés ainsi que la flopée de bandes dessinées historiques ou mythologiques. Là, sur cette table ! Il m’apparaît. Le titre me fouette le cœur, le chat me fait de l’œil, la couverture est agréable sous le doigt. Je dois l’ouvrir. A peine ai-je accompli ce rituel, qu’une femme tente d’enfiler un jeans moulant. Elle pense avoir grossi. Une case plus loin,  elle est dans la rue où son désir sexuel transforme les hommes croisés en partenaires potentiels, nus. A la page suivante, cette bulle emporte mon adhésion totale :

Je ne continue pas plus loin mon exploration : consentement, sexe libre. Le livre est pour moi.

Soyons bien clair. Loin de moi l’idée de vous voler la découverte de cette histoire. Sachez qu’il s’agit de liberté, d’expulsion, de mariage, de sexualité, de maternité, de polyamour, de violences conjugales, de chat et d’art. Mais sachez aussi que ce n’est rien de tout cela. Ou plus exactement, que chacun des mots précédents prend un autre sens dans ce livre. «Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien» me fait penser à «Pas dans le cul aujourd’hui». Ces écrits expriment des vies comme elles sont sans fioritures : engagées, contradictoires, politiques, sexuelles, laides, amoureuses, simples et complexes, vides et pleines d’espoirs.

Les «dessins» savent rendre compte des sentiments du personnage sans que l’auteure n’ai besoin de les préciser par des mots. On ressent la peur, la joie, la honte et l’émoi sexuel.  L’histoire mêle à la fois le quotidien et la tension dramatique, la raison et la déraison. Rien à voir avec ces livres où la médiation est source d’un bonheur sage, et qui dégoulinent de platitudes gavées d’encens et de graines de courges.

Alors foncez chez votre libraire préféré (Amazon est une gorgone qui détruit les pieds de ses intérimaires mal payés en leur fournissant des chaussures de sécurité lourdes et blessantes à sang) et régalez-vous avec ce bijou ciselé aux ciseaux à vie.

 


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