La femme de lettres britannique Violet Trefusis entretenait avec son amante Vita Sackville-West une correspondance amoureuse débordante de fougue et d’ardeur. “Je te veux avec avidité, avec délire, avec passion. Je meurs de faim de toi. De ton corps, bien sûr, mais aussi de ta compagnie, de ta sympathie, de nos innombrables points communs. Je ne peux pas exister sans toi ; tu es mon affinité”, lui écrivit-elle ainsi. Les semaines qui s’annoncent t’invitent à adresser une déclaration aussi bouillonnante à tes plus tendres alliés, Verseau, et à leur en réclamer autant. Si j’en crois l’alignement de tes planètes, tu es mûr pour d’éloquentes éruptions de passion.
L’horoscope dit qu’une amante dit à une autre qu’elle est en love. L’horoscope tombe à pic sur le flancs de mes hésitations. Il aiguillonne mes rêvasseries. Il sonne le glas de mes messages instantanés. Tu exagères, lui dis-je. Tu crois que c’est si facile de dire à la go qui fait vibrer mon téléphone : « hey tu me plais, hey je veux passer plus de temps avec toi, hey montre-moi encore ton sein bleu, hey je te veux ta compagnie, ta sympathie et ton intimité si tu le veux ». Je ne suis pas la Violet, là. Parfois je pose du slam sur mes maux, parfois je slam mes ardeurs. Ouais mais je suis pas une britannique du XIXeme siècle. Je suis pommée là.
Si je lui dis : « je veux passer plus temps avec toi, laisse tomber tes dates tinder pour être avec moi, si je lui dis mon cheum, il est grave OK que je sorte avec toi, si je prends la parole, si j’ose, si je lui dis… dis-moi horoscope, dis-moi que va-t-il se passer ? Ne me sors pas tes trucs alambiqués à base de cygne blanc et d’alignement des planètes. Nan parce que là, ce sont plutôt les seums qui sont alignés : vélo volé, poubelle cassée, box en rade, pied gonflé et poussée d’herpès. Pi, toi t’es là, avec tes niaiseries à me tourner la tête. Sérieusement l’horoscope, je vais aller voir ma pote, en lui disant « tu me plais de ouf » ?
Fous-moi la paix. Non, ce n’est pas vrai, je ne pense pas à elle tout le temps. Non, je ne me demande pas ce qu’elle aurait dit dans cette situation. Non, je ne perds pas mes moyens face à elle. Non, je n’ai pas envie de lui envoyer un message chaque fois que je respire. Pas du tout. Non, puis de toute façon, elle dit qu’on est pote. Alors c’est clair ! Tu m’entends l’horoscope de mes deux ovaires ? Tu pop d’internet avec tes conneries bouillantes de littérature lesbienne. T’es sérieux ?
Non parce que tu sais ce qui va se passer, l’horoscope ? C’est facile à deviner même pour un petit malin comme toi. TOUT VA CHANGER. On ne pourra pas juste rester potes comme ça. Entre nous, il y aura ces mots que j’aurais dit. Alors pour le moment, horoscope, je fais comme toi, je joue les sybilles à traver ses phrases. Je trifouille ses messages pour y entendre ce que je veux. Je regarde le vol des oiseaux pour y conforter mes coups de cœur. Je lis un avenir bariolé dans du marc de café bien noir. Et c’est bien. Alors, non, cher horoscope, je ne suis pas plus prête pour des irruptions de passion que pour la variole du singe.
PS : Dis horoscope, tu veux bien aller pour moi à ma pote ? Tu as en ce moment tous les atouts en main pour faire valoir tes qualités intrinsèques, Balance. Et elles sont nombreuses. Dans les prochaines semaines, tu t’efforceras donc, 1) d’arborer ta beauté avec autant d’intelligence que possible et ton intelligence avec autant de beauté que possible ; 2) d’envisager toute histoire sous ses deux faces, et même plus ; 3) de concilier l’inconciliable ; 4) de fluidifier et faciliter le dialogue entre des interlocuteurs qui ne se comprennent pas ; 5) de transformer des paradoxes déroutants en chimères fécondes ; 6) de trouver la façon la plus élégante de comprendre un problème.
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Sagittaire : vous arriverez à décrypter les textes étranges d’un simple copier-coller vers le bloc-notes.
Buvez de la tisane.