Tout contre-basse 3


Elle m’enserre dans ses bras. Debout l’une contre l’autre, nous sommes un cocon qui bruisse de concert. Elle m’a calée tout contre son genou afin que je ne bascule pas. Le cou tendu, je suis à elle. Il fait tiède tout contre elle. Ses ongles courts finissent de longs doigts fins. Ma tête devient un hippocampe quand ses seins se posent contre mon dos. Entre ses bras, je vibre. Sa main gauche court sur ma gorge, sa droite pince ma poitrine. Soupirs à grave. Silence à mi.  Sa bouche fait la moue, ses yeux sentent chacune de mes notes. Je virevolte.

Deux doigts gauche, quatre droit ou l’inverse, elle me possède. Elle appuie, elle pince, elle écrase ma peau contre mon bois, elle broie mon cœur de métal, elle me triture la corde raide, elle derrière moi, elle et moi,  elle ne me lâchera pas. Mes démons profonds vibrent profonde. Son souffle est tout contre mon oreille. Entre ses bras, je suis ronde aux larges hanches et je ne crains aucun regard. Le monde s’est échappé. La bouche entre-ouverte, elle transmets mes énergies.  Elle ferme les yeux tandis que ses deux doigts s’empressent au bord de mes intimes. Sous ma paupière le projecteur bleu a disparu. Je suis à elle, je suis elle.

Je la prends dans mes cordes. Dessus dessous de nœuds de huit en nœuds plats. Mes cordes se posent sur ses poignets. Elles donnent un premier tour de chant, épaules sous seins. Mon souffle effleure sa peau. Je dépose sa tête sur le sol. Mes liens l’enivrent déjà. Sous ses paupières clauses, sa peau frissonne. Je tourne autour d’elle. De cordes en archet, elle vibre sous des notes inaudibles au mécréant. Elle est à moi. Je ne lâcherai pas. Je sors son téton que je pince entre ma corde. Demi-ton sous alto.

Quand elle sourit sa bouche est grande. Ses seins sont ronds sous son t-shirt noir. Chacun de ses gestes simples me captivent. Elle attache ses cheveux. Elle remonte son pantalon. Elle enlève sa veste. Et dans chacune de ses banalités, mes notes s’affolent. J’en oublie les doigts enjôleurs du pianiste. J’en néglige la voix profonde du saxophoniste. Je la voudrais sous mon regard. J’en veux au saxophoniste de la cacher. Elle pose son menton dans le creux de sa paume. Elle regarde le batteur. Ses cheveux ondulent. Elle croise les mains sur mon cou. Je me noie en elle.

Elle reprend son archet. Extase de mes cordes. Saintes sans nom. Son sourdine.  Nous tournons, enlacées. Mystiques athées au septième ciel. Nous valsons un jazz, seins contre do. Rythme sourd sans relâche. Mes hanches s’emballent. Mes virgules gémissent. J’en ai les larmes aux yeux. Ses seins. Torpeur divine.

***

Illustration : Je n’ai pas la source


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