J’ai vu HFT en concert. Je dois t’avouer qu’au début, c’est à dire durant les deux premières chansons, je fus déçue (ça n’a pas duré, sinon ce billet aurait le goût de la panne). Quelle est la différence entre ce mec au micro et les vidéos sur le net ? Les notes sont les mêmes, le chanteur, ben en fait, tu le vois pas trop bien entre une épaule et une tête. Heureusement, j’y suis allée avec des potes trop cool et prévoyant (c’est presque antinomique ces mots). Du coup, nous sommes assez bien placés, en fosse, à deux rangés des barrières, côté jardin. C’était plutôt cool comme point de vue. Mais avant de parler de Hubert-Felix Thiéfaine, découvrons la première partie.
Un jeune mec entre en scène, au milieu d’éléments techniques prévus pour HFT. Dans la pénombre, ces rampes de spots éteints m’évoquent un squelette de matrice. L’artiste se place face au micro, une guitare électrique à la main, un ordinateur posé sur un tabouret de bar. C’est Joseph d’Anvers, seul devant une salle comble. Avant le concert, j’ai écouté quelques-unes de ses chansons. Je voulais gouter le plaisir de reconnaître quelques notes de musique, et savoir à qui j’avais affaire. Je ne fus pas déçue. C’est un poète aux touches de mélancolie, de sexualité et d’amour. Certains textes paraissent un peu court face à ceux de HFT. Mais pour ne rien gâcher, Joseph d’Anvers a le sens de la scène, du rock brut et de l’humour.
Marie – Joseph d’Anvers.
Vu mon pseudo, et vu le texte de cette chanson, je ne pouvais faire que ce choix pour le blog !
Après cet excellent moment, presque intimiste malgré la grande salle comble, les techniciens donnent vie à ce squelette métallique déposé sur scène. Des lumières bleues habillent l’espace. Des notes connues résonnent sous les tôles de la salle, et les musiciens entrent. HFT les suit à quelques minutes d’intervalle (côté jardin, trop bien pour nous !). Il commence par deux chansons de « Stratégie de l’inespoir ». Mais, comme je te le disais précédemment, rien ne me transcende. Pour comprendre ma déception qui ne durera pas longtemps, il te faut une petite explication supplémentaire. J’ai découvert HFT, il n’y a que trois ans, en écoutant «La fille du coupeur de joint» sur le blog des Pétroleuses en Liesse. Rigolo ce texte, m’étais-je dit. Le coup du cobaye qui sniffe sa paille est un jeu de mot plutôt marrant. En cherchant sur le net (vive le net qui permet de se cultiver), je suis tombée sur Lorelei. Là, j’ai adoré le sexe des mots. Puis, puis, puis…j’ai rattrapé mon retard. Puis, j’ai lu sa vie, j’ai vu que HFT avait fréquenté le petit séminaire… Puis je suis arrivé à ce concert… En résumé, j’ai passé une partie de ma vie dans une tour d’ivoire, en mode Raiponce sans super pouvoir. Depuis, je me suis coupée les cheveux courts, très courts.
Pour en revenir à nos moutons préliminaires, j’avoue que ma déception a duré le temps de deux chansons, jusqu’à ce que HFT me dise bonjour (enfin à toute la salle, pour être tout à fait honnête). Voilà ce qui fait la différence avec les vidéos : ce soir, l’artiste nous donne sa voix, son travail, sa présence.
Après un beau show aux lumières précises et aux décibels percutants, HFT revient, seul, avec sa guitare sèche. Il nous livre « Mon pauvre amour ». C’est à cet instant que j’ai vraiment apprécié HFT. Tout redevenait simple, authentique si je puis dire, comme j’aime.
Puis, les décibels se sont emparés de mon corps. Quel bonheur de retrouver les premières notes de morceaux qu’on connait sur le bout des seins ! Quelle intensité ressentie lors des nouvelles nuances dans l’interprétation ! Gueuler avec la foule, J’AI VOLE MON ÂME A UN CLOWN, JE VOUS ATTENDS, JE VEUX BRÛLER POUR TOI PETITE et encore C’EST LE CRI DES ENFANTS MORTS A KARAGANDA ne peut être décrit. Et comment te dire, que lorsque les notes de Lorelei emplissaient mes pores, des images d’un pote présent au concert défilaient dans mon cerveau. Je le voyais à la fête de l’huma, comme il me l’avait raconté auparavant, défoncé, écroulé sur l’herbe (la fraiche, pas celle qu’il s’était roulée) tandis que HFT chantait les petits lapins.
Et à présent, cher lecteur, je vais te livrer LE secret. Voilà pourquoi, tu dois aller à un concert plutôt que de rester devant ton écran à sniffer les vidéos de ton chanteur préféré. Quand tu es emmuré dans tes oreillettes, tu ne peux pas mater une sensuelle voisine, petite, ronde, au décolleté sublimé par des tatouages. Tu ne peux pas la regarder danser sous les lumières rougeoyantes aux ardeurs érotiques. Tu ne vis pas en Live, les dingues et les paumés qui se shootent à la seringue devant tes yeux. Tu ne sens les mains de ton pote sur tes épaules. Tu n’es pas bousculé par un type bourré qui tente de passer devant toi. Même avec la sono à fond dans le salon, tu ne peux pas sentir les corps des autres, qui, lorsque le concert est bien avancé et que les bulles personnelles ont sautées, ondulent comme des poissons en banc. Et, je ne t’ai pas encore parlé des lignes de basse qui font frémir, comme si la peau allait jouir.
Il faudrait aussi entendre, tes voisins lancer les Oo, ooo, ooo de « La fille du coupeur de joint ». Il faudrait ressentir ces Ooo, oooo se diffuser dans la foule qui reprend les notes, en cœur hurlant, en chœur battant, pour rappeler le chanteur, disparu en coulisse. Et, ce sourire d’animateur de colo qu’arbore HFT, devant la foule heureuse de chanter, pour la millième fois ce refrain de tous les temps, vaut sont pesant de groseilles boréales. La fête, c’est aussi cette communion sur des rengaines joyeuses et malignes. Enfin, tu ne m’as pas vu sautiller comme une ado (un peu cassée l’ado quand même) sur ce même refrain qui m’avait fait découvrir un vrai poète – Note que dans ma base de référence, je colle HFT avec Rimbaud et Buck-
Enfin, clou du spectacle vivant, tu n’as pas entendu, le poète réciter l’Albatros de Baudelaire (un de mes poèmes préférés d’ado avec El Desdichado ). Bref, tu n’étais pas là, et si le grand monsieur passe dans ta région, va le voir. En super bonus, tu auras peut-être la chance de découvrir Joseph d’Anvers.