Quelques années auparavant, je ne serais jamais allé voir une telle expo. Mais depuis un moment, les tatouages me fascinent. Ces derniers temps, je suis passée du jugement sur les tatouages ( c’est pour les gros ploucs) à un vrai intérêt à ce phénomène sociologique. Ce changement de vision date assez précisément d’un jour, où dans une chambre obscure, j’ai aimé un tatouage. C’était un tatouage partant de l’épaule et couvrant tout l’avant-bras. Le dessin était précis, original, raffiné, en noir et blanc coloré un peu de rouge sur les lèvres d’une femme. C’était une vraie œuvre d’art devant laquelle nul besoin de mot pour se sentir touché.
Après avoir caressé l’épaule, j’ai posé des questions au porteur du tatouage pour connaître l’histoire de ce dessin gravé à même la chair. J’avais affaire à un esthète qui a choisi l’artiste, puis a voyagé pour se faire tatouer. Là, d’un coup, le tatouage pris ses lettres de noblesse dans ma représentation du monde. Depuis, quand je vois un beau tatouage (ce qui est rare) ou un pas-si-mal, je demande au porteur l’histoire de son tatouage, histoire souvent liée à celle de sa vie.

Lady Viola. Vers 1928. Etats-Unis Tatouée par Franck Graf, cette artiste collectionnait sur sa peau des portraits de célébrités, depuis Charlie Chaplin jusqu’à LiIncoln. (J’aime la façon dont le flash s’est positionné)
Alors quand j’ai vu qu’il y avait une expo sur les tatouages au musé du Quai Branly, j’ai eu envie d’y aller. Et, comme je suis une grande procrastineuse , je suis allée voir l’expo juste avant qu’elle ne soit finie. Je ne vais pas vous refaire ici, l’expo qui retrace l’histoire du tatouage au cours des siècles et dans les différentes cultures. En effet, je serai bien incapable de vous donner des détails précis. Si vous souhaitez des informations plus factuelles, vous en trouverez dans cette présentation.
Pour compléter cet article, je vous invite également à aller lire et voir ce blog (même qu’on a le même thème wordpress). . Vous y trouverez de très jolies photos que vous ne verrez pas sur mon blog. C’est un complément assez passionnant, prouvant, si besoin en est, que chacun visite une expo avec son regard personnel.

L’interdiction ne fut levée qu’en 2006 !
Voici donc ce dont je me souviens de cet expo. Dans nos sociétés dites occidentales, le tatouage fut surtout la marque des bagnards et des prostituées afin qu’ils n’échappent à leur condition. Au début de l’expo, les photos présentent ces tatouages d’infamies, dont ceux des camps de concentration nazis. Je suis resté longtemps devant l’image suivante, celle d’une prisonnière prostituée de force et tatouée de sa condition. Elle a pu s’échapper. Incapable de la prendre en photo sur le coup, tellement cette situation me bouleverse, j’ai toutefois retrouvé un tweet pouvant servir d’illustation. J’ai toujours pensé qu’en cas de guerre, la situation de la femme était pire que celle de l’homme, que les traitements faits aux femmes étaient pires que ceux fait aux hommes. J’ai longtemps regretté d’être née fille à cause, notamment de cette injustice.
Un petit film en noir et blanc nous montre un reportage sur des hommes tatoutés. Le but de ce film semble être une analyse de ce « phénomène ». Cependant le ton de la voix off, les visages de ces hommes, les explications, tout tend à expliquer que le tatouage est un comportement marginal pour les « inadaptés » à la société. Au cours d’un documentaire, je n’ai jamais vu autant de tétons masculins. Ils vibrent au rythme de la respiration des hommes filmés. Bien entendu, aucun photoschop ou autre retouche sur ces corps. Cela donnait au film, dont les commentaires étaient, je le répète, digne des films de propagande, un côté très authentique sur le nu masculin. La nudité masculine est si peu représentée dans notre société, que cette expo m’a plus aussi pour l’expression qu’elle donnait au corps masculin. Et oui, dans mon souvenir, il y a plus de photos et d’imageries d’hommes tatoués que de femmes tatouées.
Il est à noter, que si le tatouage s’est peu développé dans nos sociétés européennes, c’est que l’Église avait interdit cette pratique, au cours du Moyen Age. Le tatouage avait donc acquis une notion de transgression. Puis les voyages dans le nouveau monde, les habitudes des marins, ont fait réintégrer peu à peu cette pratique dans notre culture. L’islam et la religion juive posait le même type d’interdit. L’idée principale et commune de ces interdits, est de ne pas modifier le corps, création de Dieu.
Puis, j’ai vagabondé à travers l’expo, de manière intuitive m’arrêtant devant ce qui m’interpellait (notamment devant les touches d’érotisme distillées à droite et à gauche).
Je suis passé très vite sur la partie de l’expo traitant du japon dont l’univers, décidément, ne me parle pas. Je n’aime pas les tatouages en couleur, même si je reconnais le travail et la minutie des dessins.
J’ai consulté avec délectation, un livre de constats de tatouage où étaient retranscrit le prénom, l’âge, la profession, le niveau de lettrisme, le lieu et les dates des différents tatouages d’un individu. Ce genre de document brut titille mon imaginaire, et j’aime ça.
La fascination, comme celle que j’ai pour le tatouage, comporte une part de dégoût. Je me suis épouvantée devant le matériel, les aiguilles et les machines à tatouer. D’autre part, la douleur liée à cette pratique me fait peur (alors qu’une petite douleur dans d’autres circonstances peut augmenter mon plaisir). La photo suivante est pour moi l’illustration parfaite de mon ressenti face à la douleur du tatouage.

Jessie Knight tatouant une cliente.. Royaume-Uni. 1955 Dans un monde où les clients ont longtemps hésité à accepter de se faire tatouer par une main féminine, Jessie Knight fut la première artiste femme anglaise à ouvrir sa propre boutique en 1936.
En écrivant cet article, je me rends compte que mes yeux, et de ce fait mes photos, n’ont pas retenus, ce que j’ai jugé sexiste, notamment la représentation de la femme comme un objet sexué sur de nombreux tatouages de tradition européenne.
Je n’ai pas non plus photographiés les tatouages fait sur des morceaux de mannequins à peau synthétiques. Toute la sensualité liée à ce dessin sur la peau, me paraissait ternie par cette matière synthétique et ces découpes du corps.
Dans cette expo, j’ai beaucoup aimé l’éclairage mettant en valeur les objets ou les photos présentés. Ceci est valable dans tout le musée. La présentation de différentes cultures, des origines et des mythes liés au tatouage m’a paru passionnant. En terme d’iconographie, ce sont les tatouages en noir et blanc que je préfère de loin.
Je garde un goût d’inachevé en partant de l’expo. Il me manquait, je crois, une analyse des comportements actuels en matière de tatouage. Pour raccorder cet historique avec les tatouages de papillons que je croise sur moult chevilles. Pourquoi cet engouement ? Qu’est ce qui pousse les personnes à faire une trace indélébile sur leur peau ? Pourquoi choisit-on ce motif plutôt qu’un autre en sachant que c’est à vie, alors même que l’engagement n’est plus une valeur forte ? Ces questions restent sans réponse.
***
Voici quelques images du musée que je n’ai pas eu le temps de visiter dans son intégralité.
Kaléidoscope
Pour terminer, je vous laisse avec cette galerie phallique, piochée dans et autour du musée.
si tu es ok, je vais écrire en écho à ton billet.
Je suis tatouée et j’en ai des choses à dire. en espérant que ça sortira ;)
Oui s’il te plaît, m’dame (si tu es qui je suppose)
oui Dita.
C’est toujours compliqué pour moi de commenter sur WordPress :) .
ah mais j’avais pas cliqué!! héééééééé on tombe sur le blog que je voulais faire y a quelques mois et que je n’ai pas fait finalement :)
c’est drôle… et en même temps, décidément on n’est pas protégé.
Donc toi, ça y est : tu es passé du côté obscure tardivement mais quand même ;)
ça fait très longtemps que je suis fascinée par les tatouages et que je les trouves érotiques : je me souviens à 18 ans être tombée en extase pour un homme juste parce qu’il portait un énorme tatouage de dragon sur son flanc et son bras. (par contre je ne me souviens absolument pas de sa tête ^^ hihi)
J’avais passé au moins quatre heures d’affilée dans cette magistrale expo au printemps dernier et en garde un vif souvenir… Merci de me rappeler tout ça! Je suis aussi très fascinée par les tatouages, objets d’exclusion autant que d’inclusion suivant les pays, les civilisations, les époques… et hésite depuis des années à passer le pas. J’ai des élans réguliers, des idées plus ou moins heureuses et tant que j’hésite, je sais que c’est pas le moment!
J’aime suivre rêveusement du doigt le grand dragon qui serpente sur le dos de mon légionnaire…
Je ne sais pas si c’est que moi, mais beaucoup d’images ne s’affichent hélas pas dans ta note…
je les vois toutes
@IVV : de la tête du dragon, ou du type ? Krkrkr
@Marieh2o : je t’imagine suivre le dragon…
Dites les filles, on se fait un billet sur les dragons ?
@Cui @dita : le problème est résolu, oufff