Un événement étrange a ravivé un questionnement qui flottait dans un coin de mon cerveau. Voilà l’affaire. Dans un environnement à la fois ouvert et fermé, le cul sur l’accoudoir d’un fauteuil club et la tête dans une serviette de toilette blanche, sous les élans pénétrants de mon accompagnateur, des mots se sont étranglés dans la trachée pour s’exorciser en râles :
Oh, putain, je t’aime.
Pourquoi ces mots tabous dans ce lieu qui porte peu à la romance ? Ce n’est pas la première fois qu’ils tentaient de se faufiler du vagin à la bouche. Et je me suis déjà permise de les prononcer, avec des sensations de transgression intense et de laisser-aller total. Double plaisir.
Le sous-titre de ce blog est Sexe Affect. Je le revendique tout en craignant le rejet. «Je t’aime» est réservé à l’amour, au vrai, au pur, au grand, aux amoureux mêmes clandestins, à Roméo et Juliette, aux mariées dans le square de la mairie, aux amants au creux du lit légitime. L’affect et l’amour sont si différents et si proches.
Ces réflexions murissaient, tranquillement dans les méandres de mon corps et de mes cortex, quand j’ai lu cet article. Cette découverte m’a permis de passer d’idées flottantes à des mots écrits : Typologie de la baiseuse.
Ah, ok. D’accord. En fait y’a d’autres filles comme moi. Et, si je vénère profondément et avec moult inclinaisons « les jouisseuses ou « Tape dans l’fond, j’suis pas ta mère ! »», tel un imbécile heureux devant un chaman tout-puissant (les dessinateurs, les fondeurs, les ethnologues, les œnologues, les programmateurs et les menuisiers me font le même effet), je ne suis pas ce genre de filles. Non je tente plutôt le «Game Ovaires» [Copyright Lilas Goldo]
Cependant ma réflexion est toujours en cours. Ces je t’aime impulsifs sont-ils une question de caractère/tempérament ? Sont-ils aussi liés à la jouissance que je vis comme un don ? Sont-ils un élan du corps reconnaissant ? Sont-ils une expression d’un affect positif libéré par des hormones ? A laisser murir. Je n’ai su que sortir mes mots alambiqués, mi poétique mi pudique pour vous dire je t’aime.
Aller, laisse moi de le dire. Je t’aime à fleur de mes lèvres, je t’aime au bord de l’abysse ou déjà perdue. Oui je t’aime. Je t’aime du premier moment où je suis avec toi, jusqu’au dernier baiser. Je jouis, je t’aime. Puis s’en va.
Quand «je t’aime » est aux bords des lèvres, au fond du vagin ou enfoncé dans mes entrailles, il voudrait te dire : j’aime ta queue, j’aime ta personnalité, j’aime ta chair, j’aime ce que tu es dans ce présent là. Et là tout de suite, là quand je jouis, ou là quand tu jouis en moi, et là quand je recueille tes tressaillements, alors là je suis tout à toi, là je ne pense qu’à toi. Là c’est absolu. Je te donne, là dans ce présent-là toute mon affection. Là je prends mon pied et je t’aime.
Comme je t’aime quand tu pinces mon sein, quand tu parles sans arrêt, quand tu gémis, quand tu écartes les cuisses pour me laisser œuvrer dans ta chair, quand tu m’offres ton sexe, quand tu gémis. Comme je t’aime quand tu frappes ma fesse, quand tu caresses mes cheveux, quand tu gémis, quand tu t’enivres de mon parfum, quand tu hésites, quand tu prends, quand tu m’embrasses dans la rue, quand tu gémis, quand tu soupires au téléphone, quand tu es TOI.
Mais, si tu me coinces contre le miroir de l’entrée avant ma sortie pour me glisser un je t’aime à l’oreille, je m’enfuirais plus vite que Cendrillon (sans laisser ni culotte ni chaussures).
Mais si tu me pistes ensuite et exiges de moi des réponses, les détails de ma vie, ou toutes les nuances de mon cœur, je fuis plus vite que mon ombre.
Pourtant, tu le sais, quand je suis avec toi, je peux passer de longues minutes à te caresser, je suis à toi, je coupe mon portable, ne consulte pas twitter, ne check pas mes mails (sauf si tu le fais, pour ne pas m’épuiser à t’attendre). Ma bouche sur toi. Partout. J’aime prendre le temps de te regarder, te t’écrire un mot doux, d’en attendre un de ta part, de te dire tes qualités, de ne rien dire, te raconter je ne sais quoi, de marcher avec toi la tête en l’air, de poser ma tête sur ton torse, de battre le pavé sans te toucher, de croiser ma jambe à la tienne, de caresser ta cuisse ou tes cheveux, de dormir avec toi, d’écouter des bribes de ta vie, de contempler tes gestes précis, savants, quotidiens, artistes, joueurs, fétichistes ou charnels. TOI.
Alors pour tromper le méchant amour, je te fais des compliments, je te dis merci et coucou, je te gémis comme une dératée, je murmure ton prénom.
Oui je t’aime là. Tout de suite.
Prends les.
Prends moi.
Donne moi la jouissance.
Je t’aime.
Merci.
J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs… quel est ce copyright que tu as employé ? pas grave de toute façon je ne l’aime pas ce copyright, J’ai toujours aimé entendre ces mots prononcés. Il y a tant de façon d’aimer que nous ne devrions pas nous empêcher de le dire. Le mythe du grand amour nous fait déjà suffisamment de mal comme ça. Je me souviens la première fois que ces mots ont été prononcés dans cette situation là. Elle était gênée de l’avoir dit, moi je trouvais cela attendrissant et me gardait bien d’interpréter quoi que ce soit. C’était un très beau présent qu’elle me faisait là, cela me suffisait amplement.
Vous rassurez beaucoup.
J’ai la sensation de de voir repasser un niveau. Avant je le faisais sans avoir conscience et assez librement. Pi, je me suis dis que ça pouvait être louche. Il va falloir que je retrouve la liberté de ce « cadeau ».
Vous parlez de pureté dans votre billet…vous savez, le mal a également sa pureté…la noirceur aussi. Il faut s’en méfier, je crois :)
L’amour n’est vrai, non dans sa forme…il ne l’est que si les « amoureux » le sont. Peu importe leur manière de le pratiquer, de le ressentir ou de l’inventer.
Je n’avais pas penser à cela en écrivant. Oui, ceux qui font de actes mauvais le font parfois par absolu ou même avec une certaine esthétique. Peut-être que Seven ou le Loup de Wall Street sont des illustrations de cela.
La question est, est-ce que ce je t’aime est de l’Amour ? Ou plutôt de quel nuance de l’amour est-il l’expression ? Eros, Philia Agape ?
Je t’aime mon chat, mon morceau de chocolat ?
Se sont là des mots qu’il faut employer avec parcimonie. Certains pourraient mal les interpréter et leur donner un sens qu’ils n’ont pas.
Mais lorsqu’ils sont dis ils donnent au sexe une belle connotation. Tendresse et amour ne gâtent en rien les plaisirs du corps.
Le grec est en effet plus riche pour parler des différentes couleurs et nuances de l’amour.
Vous êtes sincère et authentique.
A bientôt très chère !
CdE
A trop avoir peur des mots, on finit par ne plus savoir les dire
A trop s’entendre dire de ne pas les dire, ils finissent par s’étioler avant même d’être dits
Et pourtant, vrai que l’amour est multiple et crier haut et fort que nous en vivons un est la seule sauvegarde possible à nos sentiments
Comme vous dites Chilina : vivre la part de sentiment qui nous habite pour rester en vie :)
Ahaaaaaa, ma parole, c’est le printemps :) avec l’étonnement du mot aimer et tout ces questionnements. J’ai commencé un post sur ce thème aussi mais piufff pas facile à conclure ni à poster :(… Mais, ou, est, donc, passée la petite Martine ? ;D
Les abeilles et les oiseaux aiment ?
Oh, comme j’aimerais lire votre post !!!
Il y a ces « je t’aime » constitués de chair, issus de la chair et charnellement prononcés.
Peut-être résistent-ils aux outrages parfois très rapides du temps.
Peut-être succombent-ils avec l’evanescent souvenir de la jouissance.
Mais au moment exact où ils sont lâchés, rauques ou doux, ils vibrionnent, lumineux et limpides, ils libèrent, brisent des pudeurs profondes. Et même s’ils ne veulent pas dire « je t’aime », même si ni l’un ni l’autre n’est dupe, ils allègent avec douceur le poids des corps…
Bienvenue ici Cyremad (euh je l’ai peut-être déjà dit)
Vibrionnent: c’est excellent ce mot. MAGNIFIQUE
J’aime cette idée de l’allègement du poids des corps.
En fait tout votre commentaire est beau :)
(Merci)
J’ai connu une femme qui refusait l’usage du mot aimer qui ne savait plus le dire. Elle le revendiquait même. Et cet abandon auquel elle renonçait avec le verbe elle y renonçait aussi avec le corps. Le sexe avec elle m’a souvent laissé l’impression d’être une chose très technique… Elle était audacieuse et connaissait bien le corps. Mais l’affect n’y avait pas de place.
A son propos j’avais écris ceci :
Tu m’a vite ouvert les portes de ton ventre
Pour fermer plus vite celles de ton coeur.
Quand j’ai pénétré la moiteur de ton antre,
Tout ton être à fuit, comme saisi de terreur.
Je préfère les rapports sensibles ! Sans tomber dans la sensiblerie ou les sentiments excessifs.
CdE
Je crois que je la plains.
Merci pour ce partage d’expérience sensible. Comment dire…cela me fait grandir :)
Je découvre votre blog et ce texte en particulier. Je le trouve magnifique et tellement vrai ! ! Combien de fois j’ai eu envie de dire « je t’aime pour ce moment, je t’aime pour ce que tu m’offres dans l’instant, je t’aime pour le plaisir que tu me donnes… » mais je me suis toujours censurée parce que bien souvent, homme ou femme, nous confondons émotions et sentiments. J’ai besoin et envie d’exprimer mes émotions, ça ne veut pas dire que j’ai des sentiments.
Hélas, trop souvent, j’ai remarqué que les hommes ont peur de cela.
Milles merci pour ce texte qui dit exactement ce que je ressens.
Cath
Bienvenue ici Cath :)
Vos « je t’aime» me parlent beaucoup ! Et la nuance que vous exprimer entre émotions et sentiments, m’aide à comprendre ces différents impulsions qui fusent. Merci à vous :)