Il m’a mis sur les rails, les jambes écartées. Il m’a attachée au poteau, les jambes écartelées. Certains voyages ne sont pas organisés. J’étais sur une glissière et je ne pouvais plus bouger, presque plus. Je l’ai regardé tourner autour de moi, des sangles au bout des bras. J’ai entendu les accroches de fer. J’ai senti le cuir qui enserre. J’ai soupiré aux enfers proches. Les murs sont rouges, soudain le noir. La lumière passe par six petits trous. Ce sont des phares auxquels je me cramponne. Ils me rappellent que dehors existe encore. Ils laissent passer l’air frais et laisse filer l’air vicié. L’étau se resserre, les lacets évacue l’espace. Au dessus des cheveux, la liberté s’est écoulée. Je ne suffoque pas. Je ne suis pas à la piscine bien que les sons soient vaporeux. Je ne suis pas non plus sur la terre. Je suis en terre inconnue.
Une petite machine fait un bruit stable et continu. Implacable. Au début en haut, tout en haut comme à la maison. Il appuie sur le bouton. C’est Pavlov aux commandes. Dans mon lit, quand je joue avec mon secret, quelques fantasmes qui n’appartiennent qu’au ça sont libres. Alliées des doigts, ces rêveries me font du bien, du bien de petite fille dans son grand lit toute seule. Là-bas, chez lui, avec sa petite machine, il réveille mon cerveau qui part en rêves confus. Pavlov est aux commandes. Je m’enfuis sans conscience pour rester en présence. J’ai rêvé du trône durant ces égarements, mais je ne le vous dirai pas. Sur les rails, c’est le bruit qui sans cesse me rattrape. Je suis encerclée. Je voudrais m’enfuir. Mais je file à vive allure. Qu’on me pénètre une bonne fois pour toute ! Pour en finir.
Mon corps se cabre. Je suis un bœuf de ranchero. Je suis le cheval sauvage sous les éperons. Je veux être là, mais je voudrais que cela cesse. Je choisis de tenir l’expérience. Il y a des creux de vague, puis des cris hauts. Entre mes cuisses, il fait insupportable. Ma bouche parle toute seule. J’ai peur de faire pipi, et je le dis. Même la honte s’est enfui. Je réclame la pitié sans même y penser. Aucun son n’est maitrisé. L’as de la petite machine m’encourage. Sa voix est un fantôme. J’ai oublié le noir. Le train me passe dessus, inlassable. Avec tous les wagons. L’express suivant arrive sans même siffler. Je voudrais une pause. L’air passe encore. Les sensations sont bride au cou, jument emballée. Mais je ne trouve pas la gare de décollage.
Au temps de toucher le sol, je croyais que la marche n’était plus. Ais-je donc traversé le désert, nue, attachée à l’arrière de la selle du dernier capitaine de cavalerie ?
C’est l’Orient Express … je le connais … j’y suis montée … juste deux hublots à la place des six petits trous, et en route, tout le monde à bord !!!