Absurde 8


 

 

 
Les sirènes sont au bord de mon lit. Elles chantent la peur, elles chantent les tourments, elles chantent l’alarme d’incendie. Au bord de mon lit, elles sont assises toute vêtue d’écran plat et de mots à en plus finir. Je me lève.
Les sirènes sont assises face à moi dans le café. Un petit noir, s’il vous plait pour accompagner mon livre. Elles me poursuivent, elles poursuivent les hommes dans leur retraite. Elles parlent en continu, disent ce qu’elles croient voir par le petit bout de leur objectif, interprètent en continu sans silence. Elles chantent la peur, toutes vêtues de blousons et de micros. Je me lève.
Les sirènes hurlent dans la rue pourchassant les méchants. Ces sirènes font leur travail. Le mien est d’écouter, écouter, écouter, écouter encore. Le malheur du monde, la souffrance individuelle, la peine du deuil, l’horreur du traumatisme, les coups de la discrimination et les coups de feu de l’injustice. Mais pas les sirènes pessimistes. Je me lève et je sers une main avec le sourire.
Les sirènes passent dans la rue. Je traverse hors clous, accrochée à ton bras, de petites chaussures rouges au pied. Je traverse avec le sentiment étrange d’aller jouer alors que certains tressaillent de douleurs, et que d’autres dessinent, grimés anges, des hommes qui n’avaient ni Dieu ni maître. C’est absurde.
Les sirènes appellent la luxure. Elles chantent de l’autre côté du trottoir, au milieu des vitrines illuminées, elles grimpent la vieille tour Montparnasse, elles glissent leurs souffles frais entre la fente de mon manteau, elles mordillent la chair de mes cuisses à la lisière des bas. Je croise ton sourire dans le café où tu nous attends. Tu te lèves.
Il y a tant de belles choses dans la vie. Ton sourire. Ta fierté. Tes mots doux. Ta peau. La douceur d’un foulard de soie. Le parfum suave. La légèreté de l’être. La profondeur légère. Un sexe levé. Un con soulevé. C’est absurde de baiser ce soir.
 
Illustration: Yoga in Lliliput 
Collage on Paper
Andrés Gamiochipi

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8 commentaires sur “Absurde